Tony Joe White
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Tony, tu es de retour pour une nouvelle tournée en France. Que représente ce pays pour toi ?
Depuis toujours, et dès le départ, la France a été le premier pays où on a reconnu ma musique. C'est à Paris que l'on a pu entendre mes premiers enregistrements... (Tout le mérite revient à Radio Monte Carlo qui, dès 1968, a passé en boucle " Soul Francisco " faisant ainsi découvrir sa musique à l'Europe. C'est après cet effet médiatique que le grand label de Nashville " Monument Records" a décidé de signer un contrat avec Tony Joe, Nda)
Les gens, ici, me sont toujours restés fidèles tout au long de ces années. À chaque nouvelle chanson ou chaque nouvel album, on m'a toujours accueilli à bras ouverts ou demandé de venir.
J'adore la France car ici le public écoute, est attentif… La musique y est vraiment considérée comme un art à part entière.

Durant ton enfance en Louisiane, avais-tu accès à la culture française, y étais-tu sensible, t'a-t-elle influencé et t'arrivait-il de parler français ?
Non, je suis né à Oak Grove au nord de la Louisiane. Le nord de la Louisiane est différent du sud de cet état où il était plus habituel d'entendre parler le français. Le nord est plus orienté vers le vieux Blues traditionnel…

Quels sont les premiers musiciens qui ont eu une grande influence sur ton propre style ?
Dans ma famille nous étions 7 enfants - en plus de ma mère et de mon père. Chacun d'entre eux jouait de la guitare, du piano ou chantait. Puisque j'étais le petit dernier de cette grande fratrie, j'ai toujours baigné dans cette ambiance très musicale en entendant, à la maison, du Gospel ou de vieux airs traditionnels de Country Music. Je n'ai jamais vraiment subi d'influences extérieures à celles-ci jusqu'à l'âge de 15 ans lorsque mon frère a ramené à la maison un album de Lightnin' Hopkins. Quand j'ai entendu ce style de Blues, je me suis dit " Waouh "…
Puis j'ai commencé à pratiquer cette musique en empruntant la guitare de mon père et en m'enfermant avec dans ma chambre. De ce fait, Lightnin' Hopkins a vraiment été le premier à m'influencer…

Avais-tu commencé la musique en jouant avec ta famille ou as-tu attendu de te forger ton propre style de ton côté ?
J'ai toujours joué avec eux car cela a toujours été une chose que je porte en moi. Ma sœur chante de manière absolument magnifique. Il y a de cela deux semaines, j'étais en Louisiane pour une réunion de famille. Nous avons interprété tous ensemble quelques-unes de mes chansons et quelques autres…
Nous nous retrouverons encore tous ensemble dans le futur…

Tu es surnommé le " Swamp Fox" (le renard des marais), d'où te vient ce qualificatif et quelle serait ta propre définition de la musique " Swamp " ?
L'origine exacte du terme " Swamp Fox " est… Paris, France !
Le Swamp Rock, la Swamp Music proviennent pour moi du titre " Soul Francisco " (album " Black And White/Monument Records 1968, Nda) avec lequel j'ai débuté ma carrière. Suite au succès de ce disque dans les hits, la presse et les médias français ont commencé à donner le qualificatif de Swamp (musique des marais, Nda) à ma musique. Tout cela est revenu en Louisiane et au Texas où le terme Swamp est resté et est devenu monnaie courante pour qualifier ce genre de musique.
C'est comme cela que ça a commencé…

Quelle a été ta première réaction en apprenant qu'Elvis Presley allait reprendre ton morceau " Polk Salad Annie " ?
J'étais à Memphis à ce moment-là…
J'ai été contacté par son producteur qui était un de mes bons amis. Il a affrété un jet privé pour me transporter de Memphis à Las Vegas où Elvis était alors pour une série de concerts (probablement à l'International Hotel, Nda).
C'est en arrivant que j'ai entendu, pour la première fois, sa version de " Polk Salad Annie " sur scène où elle a été enregistrée !
C'était un vrai choc d'écouter cette chanson interprétée par Elvis et je n'en revenais pas…
Nous sommes restés ensemble une semaine, nous nous voyions dans sa loge et pouvions parler ensemble. J'ai même eu la chance qu'il interprète, pour moi, quelques Blues avec sa guitare…

En dehors de lui, quels sont les artistes qui, selon toi, ont le mieux interprété tes chansons ?
Bien sûr Elvis et sa version de " Polk Salad Annie " a été pour moi une chose formidable.
Sinon il y a Brook Benton qui a fait de " Rainy Night in Georgia " un grand succès.
Je peux aussi citer Randy Crawford, Ray Charles et des gens comme ceux-ci qui ont magnifié mes titres (les artistes qui ont repris des titres de Tony Joe White se comptent par centaines, Nda)…
Quand je repense à cela je n'en reviens pas. Au moment d'enregistrer mon premier disque, je ne pouvais pas m'imaginer que " Rainy Night in Georgia " serait interprété de la sorte…

Y a-t-il un artiste actuel que tu souhaiterais entendre reprendre un de tes morceaux ?
Non, je n'ai jamais vraiment pensé à cela. On ne sait jamais ce qu'il va se passer. De plus, j'ai tant de héros que j'apprécie énormément…
Il y a Tina Turner, qui a toujours été une de mes héroïnes, qui a chanté mes morceaux (Tony Joe a, en effet, écrit, composé et produit quelques titres de l'album " Foreign Affair" en 1989, Nda). Je peux aussi citer Shelby Lynne, une chanteuse de Country Music, qui a une voix exceptionnelle et qui a repris quelques-uns de mes titres. Je me considère comme quelqu'un de très chanceux car j'ai pu connaître, de ce fait, de grandes expériences humaines avec ces personnes. De plus ce sont des artistes qui ont magnifié mes chansons…
Il faut dire que ma voix n'est pas celle d'un soprano (rires)…

Sur ton album " Uncovered " (Munich Records/2006) tu es accompagné par quelques-uns de tes amis comme Eric Clapton, J.J.Cale, Waylon Jennings etc…Comment s'est passé le travail en studio, était-ce une véritable réunion d'amis ?
C'est mon fils, Jody, lequel est mon manager, qui a planifié le travail en studio.
Tout au long de ces années, j'ai croisé la route de nombreux musiciens avec lesquels j'ai sympathisé - comme Eric Clapton ou Mark Knopfler par exemple - avec lesquels je voulais enregistrer un disque.
Les années ont passé très rapidement depuis que je les connais. C'est au bout de 15 ans que cela a pu se faire. C'est vraiment un grand bonheur de pouvoir jouer comme cela avec tout son cœur. Savoir que Clapton a fait son maximum pour venir en studio pour moi est très touchant…
A chaque fois que je voulais un son très Blues ou plus funk sur ce disque, c'est un de mes héros qui le faisait (rires)…

Aurais-tu encore un rêve de collaboration ?
Je n'ai pas vraiment de nouveau rêve de collaboration. Avec Tina, nous parlons depuis 4 ans de refaire un disque ensemble. Ce serait un album très " Swamp " avec uniquement un clavier, une basse, une batterie et ma guitare. Ce serait quelque chose de très simple et d'authentique. Cependant nous en parlons depuis 4 ans et je ne sais pas si ce disque se fera un jour…

Peux-tu me parler de ton nouvel album " Deep Cuts " (Munich Records/2008) ?
" Deep Cuts " va surprendre beaucoup des fans de Tony Joe White parce que mon fils Jody s'est inspiré de beaucoup de musiques telles que la Techno. Il a choisi quelques-uns de mes vieux titres que nous avons entièrement revisités en mélangeant mon son de guitare avec les technologies des années 2000. Cela sonne vraiment très funky, man !
Cette musique sonne vraiment avec son temps et pourrait même plaire au public des discothèques, waouh…
C'est aussi un moyen de sensibiliser les jeunes aux musiques roots comme a pu le faire, dans le passé, RL Burnside. Sur l'un de ses albums il y a des rythmes technos, on a l'impression d'être dans " Star Wars " mais avec du Swamp (rires).
Sur ce disque j'ai travaillé normalement, dans mon studio, avec mon batteur, ma guitare, mon harmonica etc...
Jody a fait la même chose de son côté mais lui c'était des Protools, des loops, des samples et des ordinateurs…
Il a fait un très bon travail. J'ai vraiment beaucoup de chance et je suis fier de lui.

Envisages-tu, un jour, d'enregistrer un album ou de faire une tournée avec ta fille Michelle White ?
Oui…
Michelle était chez moi, à la maison, dans le Tennessee cette semaine. Nous avons parlé de faire un album ensemble. Sur ce disque il n'y aurait que nos deux voix, une guitare espagnole et quelques percussions…

De quelle manière résumerais-tu tes 40 ans de carrière ?
Je dirais simplement que je suis quelqu'un de très chanceux car j'ai pu vivre de ma passion, de mon écriture, de mes mots, de ma guitare, de mes chansons…
Le hasard a bien fait les choses. Que ce soit avec mon style de musique ou avec les gens que j'ai côtoyés et en qui j'ai toujours eu une confiance aveugle.

Aurais-tu quelque chose d'autre à ajouter pour tes auditeurs français ?
Le public français et les français eux-mêmes partagent une longue histoire d'amour avec moi, pour plusieurs raisons…
Ils ont été les premiers à me découvrir et je les aime autant qu'ils m'aiment…

Remerciements : Nadia SD, Dom SD, Maurice Suissa, Nina Van Horn l'excellente interprète de " Out Of the Rain " (embauchée au pied levé pour traduire avec talent mes questions), Tony Joe White et son batteur Jeff Hale.

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Interview réalisée à l'
Olympia de Paris
le 24 mars 2008

Propos recueillis par
David BAERST et
Nina van Horn

En exclusivité !

 

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